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Retour de déportation : Voix et visages

Retour de déportation : Voix et visages

Dossier réalisé par Elisabeth Alle (Université Paris-Nanterre - L3 "Histoire en action").

« Voix et Visages » est le bulletin de l’Association des déportées et internées résistantes (ADIR). C'est donc un journal fait par les femmes et pour les femmes survivantes des camps de concentration, dont Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Anise Postel-Vinay sont les figures les plus éminentes.

La publication commence en juin 1946 et s’achève soixante ans plus tard : pendant ces années, l’évolution du monde est scrutée par des femmes qui s’élèvent contre tout ce qui ressemble à ce qu’elles ont connu, qui combattent les négationnistes et témoignent pour les jeunes générations.

Les voix

Page de Voix et visages contenant le poème "Les voix" : "Voix qui vous répondez dans l'air du soir, / Dites-moi donc qui vous êtes... / Si vous êtes des compagnes, des amies, des soeurs, / Pourquoi ne sais-je de vous rien de plus que ce que le vent m'apporte ? [...] Voix qui vous échappez par les fentes des murs, par les trous des carreaux, par les tuyaux d'égouts, / Si je ne sais quel visage vous porte, / J'entends, du moins, que c'est la France qui parle." Bella, Fresnes, 1943
Voix et visages n°1, juin 1946 - 4 P 4616

Le poème "Les voix" a été écrit par Denise Mac Adam Clark (1915-1994), sous son nom de résistante, Bella, lorsqu'elle était emprisonnée à Fresnes en 1943. Il inspire directement le titre du Bulletin de l'ADIR. Bella entre en résistance en 1942 dans le réseau Comète, où elle est chargée de l'hébergement des aviateurs anglais et des prisonniers évadés. Arrêtée par la Gestapo le 18 juin 1943, elle est transférée à Ravensbrück en février 1944. En avril 1945, elle est rapatriée en France par la Suisse. Elle publie alors un livre, sous le nom de Denise Dufournier, La maison des morts, réédité en 1992.

Pour nous, qui n’avons pas vu les visages, ni entendu les voix, le bulletin Voix et Visages réincarne celles qui se sont battues pour la liberté de leur patrie. Leur sacrifice est total : elles connaissent la prison, la torture, la déportation, et pour la majorité, la mort. Certaines reviennent et continuent à vivre, douloureusement. Elles tiennent alors, un an après leur libération, le serment qu’elles se sont prêté à Ravensbrück : témoigner, se remémorer les compagnes disparues et la fraternité du camp, s’entraider entre survivantes. Voix et Visages naît alors de ces femmes combattantes, dont l’histoire personnelle s’inscrit totalement dans celle de la deuxième guerre mondiale.

Juger les auteurs des crimes nazis

Les Alliés décident le 13 janvier 1942 de juger les auteurs des crimes nazis. Une juridiction internationale est créée à cet effet. Le procès des bourreaux du camp de Ravensbrück commence le 5 décembre 1946 à Hambourg en Allemagne. Germaine Tillion y représente l'ADIR. Elle décrit dans son article les faits commis et la sanction des bourreaux. Elle s'interroge sur l'écart ressenti entre les sanctions prononcées et l'extrême gravité des actes commis. Il est nécessaire de tenir compte du fait que le procès de Hambourg se passe peu de temps après la libération des camps, que la publicité n'a pas été faite à temps autour de ces procès et que les témoins à charge, dont l'absence pèse si lourdement sur les sanctions, est due au fait que les déportées sont matériellement incapables de rejoindre Hambourg, en raison de leur état physique et du désordre régnant en Europe en ces lendemains de guerre.

Fritz Suhren est le commandant SS du camp de Ravensbrück. Il s'échappe avant le procès du camp, en décembre 1946 à Hambourg, et prend un emploi de garçon de café. Reconnu, il est jugé au procès de Rastatt en 1951 et condamné à mort. Geneviève de Gaulle-Anthonioz (1920-2002) est la nièce du général de Gaulle ; elle retrace ici les événements de ce procès.

Article "Le procès du Commandant de Ravensbrück"
Voix et visages n° 25, mai-juin 1950, p. 1
Article "Le procès du Commandant de Ravensbrück" (suite)
Voix et visages n° 25, mai-juin 1950, p. 2

Dénonciation des vivisections 

Les vivisections humaines pendant la deuxième guerre mondiale représentent certaines des pires atrocités commises durant cette période, impliquant des pratiques médicales inhumaines et barbares principalement par l'Allemagne nazie.

« Kaninchen », les « lapins » : ainsi sont appelées les victimes de vivisection ou de prétendues expériences médicales auxquelles les nazis se sont livrés sur de jeunes femmes polonaises du camp de Ravensbrück. Pour les déportées résistantes de Voix et Visages, ce sujet est imprescriptible. La réparation attendue est à la fois médicale et financière. Or, elle fait l’objet d’un contentieux international difficile à régler, malgré le faible nombre des rescapées. Dans cet article, Anise Postel-Vinay s’élève vigoureusement contre cet abandon. La pellicule de photos, non développée, a été sortie du camp par Germaine Tillion lors de sa libération.

Article "Le crime de vivisection humaine puni de quelques années de prison"
Voix et visages n°30, septembre-octobre 1951, p. 3

Anise Postel-Vinay résiste dès 1940. Elle fait de la propagande contre le gouvernement de Philippe Pétain, aide des Juifs en difficulté et des prisonniers anglais. Elle appartient au réseau SMH Gloria. Arrêtée le 15 août 1942, elle est incarcérée à La Santé, Fresnes, Romainville et finalement déportée à Ravensbrück en octobre 1943 ; elle est libérée le 23 avril 1945. Active militante de l'ADIR, elle s'élève dans ce texte contre le sort des victimes de vivisection.

In Memoriam 

Les rédactrices du Bulletin de l'ADIR consacrent systématiquement un de leurs articles aux souvenirs des compagnes de déportation qu'elles ont connues et qui ne sont pas revenues. 

Voici deux exemples d'In Memoriam : l'un est consacré à Hélène Lajeunesse, qui disparait dix ans après sa libération. Son humour leur laisse un souvenir inoubliable, qui a permis de résister moralement dans les situations les plus extrêmes.

L'autre est consacré à Christine Iwanska et Simone Frouin-Auburtin. Leur santé a été définitivement compromise par la maltraitance des mois de détention. La reprise d'une vie normale après la libération de Ravensbrück est une épreuve, et les conséquences de leur engagement pèsent directement sur leur longévité. Voici le récit de ces deux vies, témoignant de l'indomptable volonté des déportées, par Alice Monnier, qui signe son article de son numéro matricule (47.934). Elle est partie le 19 décembre 1941 vers Ravensbrück et a été libérée le 23 avril 1945 par la Croix-Rouge.

L'expédition de sauvetage par la Croix-Rouge

L'ADIR reproduit cet article paru dans un journal suédois. Il relate les efforts de la Croix-Rouge suédoise pour évacuer les déportées du camp de Ravensbrück. Plusieurs voyages sont effectués malgré les ordres et les contre-ordres venant d'Hitler ou de Himmler. 

La libération a été rendue possible par les négociations de Folke Bernadotte, président de la Croix-Rouge suédoise. De façon concomitante, les exécutions se poursuivent cependant pour obéir à l'ordre d'Himmler d'octobre 1944 de gazer 2 000 personnes par jour à Ravensbrück.

Un des faits marquants est l'accouchement de Madeleine Roubenne qui donne naissance à Sylvie au camp de Ravensbrück le 21 mars 1945. Les mères et les enfants nouveaux nés sont destinés, dans les jours qui suivent la naissance, à la chambre à gaz. Mais la libération d'une partie des déportées du camp, par la Croix-Rouge suédoise, est attendue. Grâce à l'entraide des détenues, la mère et l'enfant parviennent, de façon extraordinaire, à être sauvées.

Commémorations et témoignages

Le 15 août 1951, Stéphanie Kuder décrit la commémoration qui a lieu sur le plateau de Gergovie en souvenir des morts et disparus du réseau de résistance Gergovie. Cet événement est l'un des premiers à inscrire comme un devoir la commémoration des faits de résistance. Ce réseau est particulier, il regroupe notamment des étudiants de l'Université de Strasbourg, repliée à Clermont-Ferrand, qui refusent de rejoindre leur province devenue allemande. Stéphanie Kuder est l'auteure d'un article "De Ravensbrück à Limmer et à Bergen-Belsen" paru dans De l'Université aux camps de concentration : Témoignages strasbourgeois, 1947.

France Audoul, née le 13 septembre 1894 à Lyon, est une survivante du camp de Ravensbrück. Pendant la deuxième guerre mondiale, elle est arrêtée suite à sa participation au groupe de la Résistance intérieure française. Elle est déportée au camp de Ravensbrück en 1943. Elle qui a suivi une formation à l'école des Beaux-Arts de Lyon, elle exécute au camp des croquis pour témoigner des atrocités, dessinés sur des morceaux de papier et avec des bouts de crayon subtilisés aux SS. Ses témoignages ont été essentiels pour documenter les crimes commis dans les camps de concentration et pour les procès des criminels de guerre nazis. En 1966, elle publie un ouvrage avec ses dessins : Ravensbrück, 150 000 femmes en enfer.

Le N°74 de mai-juin 1960 comporte un article rédigé par France Audoul pour commémorer la libération des camps. Cette commémoration est doublée d'un voyage à Ravensbrück. Pour France Audoul, cette "visite" induit un retour sur soi provoqué par l'aspect extérieur du camp qui évolue, et ne répond plus à son exact souvenir. En effet, avec le temps qui passe, le camp a changé d'aspect, il a été "aménagé". Le souvenir ne peut se confondre avec un lieu conservé comme "lieu historique".

Témoignage de Suzanne Hugounenq sur la construction de la chambre à gaz de Ravensbrück

Article "La chambre à gaz de Ravensbrück"
Voix et visages n° 176, juillet-octobre 1981, p. 1

Suzanne Hugounenq a longtemps été secrétaire générale de l'ADIR. Résistante du réseau Comète, elle est déportée à Ravensbrück. 

Dans cet article, elle raconte comment elle a fait partie du kommando de travail qui a participé aux premiers travaux de la construction de la chambre à gaz de Ravensbrück, lors de l'hiver 1944-1945. Les sélections ont commencé dans le Jugendlager (ou petit camp d'Uckermark) le 28 janvier 1945. Les nazis isolent dans le Jugendlager les personnes destinées à disparaître, dont des tuberculeuses, des aliénées et les victimes de leurs expériences de vivisection. Les conditions y sont pires que dans le camp principal : diminution par deux de la ration, pas de manteau, pas de couverture, appel de six à huit heures par jour. La chambre à gaz peut contenir entre 100 et 180 personnes. L'ordre des exécutions de masse a été donné fin février 1945, mais elles ont commencé dès janvier 1945. Les onze hommes détenus du commando du four crématoire ont été assassinés le 25 avril 1945.

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