La propagande de Vichy à travers l'affiche
Le régime de Vichy débute avec l’obtention des pleins pouvoirs par le maréchal Pétain, le 10 juillet 1940. Il perdure jusqu’au 20 août 1944. L’instauration de ce régime provient notamment de la déroute de l’armée française en 1940. A partir de l’armistice du 22 juin 1940, la France est divisée entre une zone occupée et une zone dite « libre ».
Cette zone libre est contrôlée par le gouvernement du maréchal Pétain installé à Vichy, qui revendique dès l’origine une véritable politique de collaboration avec les nazis.
Ce dossier sur la propagande de Vichy par l’affiche permet d’appréhender à travers de nombreux exemples tirés des collections de la Contemporaine l’idéologie et les nouvelles valeurs mises en avant par le maréchal Pétain et son régime pour affirmer l’idée d’une « révolution nationale ». Cette révolution culturelle développe la thématique d’une France forte, traditionnelle, appuyée sur des valeurs nationalistes. La volonté du régime de Vichy est d’affirmer ces nouvelles valeurs et de les répandre dans toutes les sphères de la société, par le recours à une propagande qui utilise de nombreux moyens de diffusion : affiches, cinéma, expositions, radio etc. Le régime utilise aussi les fêtes, comme la fête des mères et la fête du travail, pour institutionnaliser ces valeurs, qu’il présente comme des réponses aux difficultés économiques et sociales de cette période.
Cette affiche met en valeur le monde ouvrier et la production industrielle – ce qui marque une évolution intéressante dans la propagande du régime de Vichy, plus généralement tournée vers la terre et l’artisanat. Cette représentation grandiloquente prend place dans le contexte particulier du STO, Service du travail obligatoire imposé par les Allemands pour envoyer dans les usines allemandes des ouvriers français, afin d’alimenter les besoins de main d’œuvre de l’économie de guerre germanique. Pour contrer la défiance des jeunes Français (qui pour nombre d’entre eux préféraient alors rejoindre le maquis et les rangs de la résistance), la propagande vichyste tentait de redorer l’image d’ouvriers déportés qui voyaient souvent dans cet exil, à juste titre, une nouvelle preuve de la soumission totale du régime de Vichy à l’Allemagne hitlérienne. Le travail ouvrier est ici symbolisé par l’enclume, la roue en fer ainsi que par la représentation d’un paysage industriel en arrière-plan. Le slogan de l’affiche reprend les couleurs nationales pour présenter le travail en Allemagne comme un acte patriotique – ce que renforce la référence flatteuse à la « qualité française » et la silhouette lointaine de la Tour Eiffel, symbole de Paris - mais aussi de l’excellence métallurgique française. L’ouvrier est représenté en bleu de travail, sous des traits qui soulignent sa puissance athlétique, dans le droit fil de l’art totalitaire de l’époque. Il est déterminé et est armé d’une masse, signe de puissance, dans la lumière dorée du soleil levant. Cette image est conforme à celle de « l’homme nouveau », prôné par le régime de Vichy – qui imite en cela servilement les régimes fascistes européens.
"Travail, Famille, Patrie"
Le Maréchal Pétain : père de la patrie
Les nouvelles thématiques mises en avant par le régime, « Travail, Famille, Patrie », sont mises en avant par la propagande, tandis que le maréchal Pétain se met également en scène dans de nombreuses affiches. Ce dernier incarne le pouvoir et se présente comme un chef charismatique doté de qualités extraordinaires. Il y a, dans le régime de Vichy, un véritable culte voué à ce héros de la première guerre mondiale.
Cette affiche de propagande est très représentative de l’incarnation du pouvoir que prétend développer le maréchal Pétain. Ce dernier est représenté en uniforme militaire, posant devant une carte de France incluant l’Alsace et la Moselle, qui appartiennent désormais à l’Allemagne. Les couleurs du drapeau tricolore renforcent la dimension nationaliste du message, tandis que la francisque, insigne personnel du maréchal, souligne la personnalisation de l’Etat qui s’opère alors. Le verbe « servir » fait référence au discours du 17 juin 1940, dans lequel Pétain affirmait vouloir faire don de sa personne à la France. Diverses expositions, durant toute la période, s’attachaient à mettre en scène les supposées qualités supérieures du maréchal et son image idéalisée de héros de la première guerre mondiale, comme ici à Clermont-Ferrand, dans la salle Gaillard. Les sept étoiles rappellent les succès du maréchal durant la première guerre mondiale, et légitiment implicitement son statut particulier, dans une période particulièrement troublée pour la nation française, occupée par l’Allemagne. Le marérchal, qui conserve dans sa main l’ensemble des pouvoirs, gouverne, rassure, protège, et incarne le pouvoir de Vichy par son aspect charismatique que renforcent constamment de telles affiches de propagande, omniprésentes.
Le cinéma de propagande
Le cinéma sous le régime de Vichy en France a été largement utilisé comme outil de propagande par le gouvernement de Philippe Pétain, en collaboration avec l'Allemagne nazie.
Le cinéma était utilisé pour légitimer le régime de Vichy et promouvoir l'image de Pétain comme le sauveur de la France mais également pour diffuser les valeurs de la Révolution nationale, qui prônait le retour à des valeurs traditionnelles, telles que la famille, le travail, la patrie et l'ordre. Outre ces aspects, le cinéma du Régime de Vichy effectue une réelle propagande incluant des éléments antisémites, visant à justifier les politiques de persécution des Juifs et de collaboration avec l'Allemagne nazie.
Un exemple en est le film « Forces Occultes » réalisé par Paul Riche en 1943 et produit en France. Ce film critique sans nuance l’influence de la franc-maçonnerie, des juifs et des Anglo-américains désignés comme les responsables de l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne. Il illustre, selon l’idéologie de Vichy, les raisons qui expliquent la défaite de la France. Cette « théorie du complot » ici à l’œuvre, représente en fait l’idée selon laquelle il existe un ennemi intérieur, qui corrompt et gangrène la France. Cette réalisation cinématographique est une commande du gouvernement de Vichy.
La radio nationale de Vichy
La radio nationale de Vichy fonctionne à partir du 5 juillet 1940. Elle est placée sous la surveillance du régime dès 1941, sous l’autorité de Pierre Laval. A partir de cette date, la radio devient un outil de la propagande vichyste. Cette radio développe les idées de la « révolution nationale » et critique les communistes, les juifs et les Anglais qui bombardent la France. Philippe Henriot est l’une des personnes qui relaye les idées de Vichy. Les idées vichystes sont présentes dans le quotidien des Français à travers de nombreux moyens de diffusion. La radio est un moyen de propagande classique, elle est notamment utilisée par le troisième Reich sous la botte de Joseph Goebbels. Entre autres programmes de Radio National, Radio Travail fait la propagande du travail en Allemagne.
Décrébiliser l'adversaire : l'ennemi anglais selon le Régime de Vichy
Le bouledogue anglais dévorant la planète est une caricature de Churchill. Il s’agit de dénoncer ici la volonté hégémonique de l’Angleterre qui, selon le régime de Vichy, menacerait la France - réactivant la traditionnelle défiance des Français à l’égard de son voisin. Cette affiche de 1942 mobilise notamment le passé en faisant référence à Jeanne d’Arc, au Canada, à Mers El Kébir et à l’emprisonnement de Napoléon sur l’île de Sainte Hélène par les Anglais. Elle présente l’Angleterre comme un ennemi de longue date, toujours désireux de conquérir les terres françaises. Cette liste exhaustive des conflits passés qui occulte toute contextualisation, doit choquer les Français pour tenter de les convaincre que les véritables ennemis de la France, dans l’histoire comme en 1942, seraient les Anglais et non les Allemands. Cette affiche contre les Britanniques est publiée au moment où les bombardements anglais se multiplient sur le territoire français et où les colonies françaises deviennent un enjeu majeur dans la reconquête entreprise par les alliés et le général de Gaulle.
La jeunesse
La jeunesse est un thème important dans la France de Vichy. Cette affiche de propagande représente des enfants allemands bien portants et bien habillés, contrairement aux enfants soviétiques qui sont vêtus de haillons et semblent tristes. Elle joue sur la peur du bolchevisme, accusé d’apporter la misère en Europe. Un décalage très net est visible entre les deux images. L’éducation nazie et la volonté du IIIe Reich de créer un homme nouveau, un homme aryen sont explicitement exaltées par l’effet de contraste. La différence entre ces deux représentations des jeunesses soviétique et allemande devait renforcer la peur et la haine du communisme, tout en accréditant l’idée que le Maréchal Pétain et le régime de Vichy auraient fait le meilleur choix pour la famille et la jeunesse françaises, en choisissant la voie de la collaboration avec l’Allemagne.
L'image des colonies
L’utilisation de l’image des colonies par le régime de Vichy illustre le souhait de montrer que la France est toujours une grande puissance, dotée d’un vaste empire – comme un écho à la grande exposition coloniale de 1935. Ce rappel de la dimension impériale de la France permet d’occulter le fait qu’une grande partie de la France est alors occupée par les forces allemandes, et que l’autre est soumise, par le biais de la politique de collaboration. L’affiche rappelle implicitement, aussi, l’idée que l’Empire représente une armée potentielle, comme cela avait été constamment enseigné aux enfants des écoles de la première moitié du XXe siècle, dans le sillage de la première guerre mondiale. La mise en avant du drapeau français, comme le mot « couleurs », appellent à l’exaltation de la nation et du sentiment nationaliste – tout en jouant sur la couleur de peau des visages puissants placés au premier plan. Les trois hommes, solides soldats aux traits volontaires et fiers, représentent chacun des grands ensembles territoriaux de l’empire colonial français. Le premier représente le Maghreb et celui du centre l’Afrique subsaharienne, tandis que le troisième incarne l’empire français en Asie, c’est à dire l’Indochine. De fait, l’empire fut durant toute la guerre un enjeu majeur de la lutte entre la France de Vichy d’une part et la France libre appuyée sur les alliés anglo-américains, d’autre part.
Sport et jeunesse
L’affiche représente un homme, une femme et un enfant faisant le salut olympique qui, dans le contexte particulier de 1940, fait évidemment penser au salut hitlérien. Cette confusion, complaisamment entretenue par cette affiche, apparut avec évidence lors des Jeux olympiques de Berlin en 1936. Une autre manipulation a également lieu ici, avec l’utilisation de trois anneaux qui, imitant les anneaux olympiques, sont détournés pour décliner les couleurs nationales bleu, blanc, rouge (en totale opposition avec le discours universaliste prôné par les cinq anneaux olympiques). Le chevalier en arrière-plan souligne de toute évidence la valeur militaire et morale du sport : il représente ainsi, pour le régime, le support adéquat pour exprimer la régénération de la nation, la vitalité de la jeunesse, l’esprit de sacrifice et l’obéissance à son chef. L’homme nouveau inspiré des modèles fascistes européens, renie l’intellectuel pour forger sa puissance sur la force et les exercices physiques. Le commissariat général de l’éducation et des sports est une institution créée par le régime, chargée de relayer cette idéologie au sein de toute la jeunesse française.