Se nourrir pendant la Grande Guerre
Dossier réalisé par Hélène Leblanc, Oriane Pasquier et Eva Vigoureux, étudiantes de licence 3ème année, dans le cadre du parcours « Conduire un projet culturel avec les collections de La Contemporaine ». Université Paris-Nanterre. Décembre 2018
La première guerre mondiale mobilise des millions de soldats sur les fronts, notamment dans le Nord et l’Est de la France, qu’il faut nourrir. Le ravitaillement des troupes françaises, coloniales et alliées sur le front français est rendu possible grâce à des restrictions et une mobilisation des civils.
Inflation des prix des produits alimentaires
Le besoin de nourriture à envoyer au front pour garder les soldats en forme tant physiquement que moralement entraîne de lourdes conséquences sur l’alimentation des civils, qui doivent faire face à partir de 1915 à une forte inflation des prix des produits alimentaires. Pour les foyers les plus modestes, cette inflation est très difficile à vivre et les actes de solidarité organisés par l’État ou par des particuliers sont nécessaires. Cette inflation se double de restrictions alimentaires, comme le recours aux tickets de pain à partir de 1917.
Cet avis à la population de Paris, daté du 23 avril 1918, informe du fonctionnement de la carte d’alimentation pour deux aliments de base, le pain et le sucre. En avril 1918, la France est en guerre depuis presque cinq ans et les capacités du pays à nourrir ses soldats et sa population civile se sont considérablement affaiblies.
Mobilisation et effort de guerre
Le gouvernement français, pour limiter la consommation et permettre une bonne distribution des ressources, se lance dans de grandes campagnes de mobilisation des civils à l’effort de guerre. Le peuple est appelé à cultiver tous les terrains possibles pour enrichir l’offre alimentaire. Cette requête étatique est entendue partout dans le pays, et dans les jardins parisiens, les parcs des riches propriétaires, les cours d’école, fleurissent des potagers entretenus par des associations ou groupe de citoyens. Au-delà de la mobilisation, l’État tente d’aider les plus démunis par des actions sociales comme des subventions de repas distribuées dans Paris à partir d’août 1914.
La guerre est longue et la France manque de ressources alimentaires pour les troupes sur le front. Le gouvernement appelle l’arrière à réaliser un véritable effort de privation pour que les denrées soient envoyées aux soldats. La poule est l’investissement idéal pour les civils comme l’annonce le slogan jaune sur fond bleu : « Je suis une brave poule de guerre je mange peu et produis beaucoup ».
Bien en chair, la poule couve une montagne d’œufs qui dépasse même du cadre. Mais elle n’a pas seulement l’avantage de produire beaucoup, elle est en bonne santé tout en mangeant faiblement. Un autre slogan placé en haut de l’affiche renchérit « Soignons la basse-cour ». La production individuelle des denrées permet aux civils de s’alimenter sans consommer la nourriture provenant de la production plus massive la réservant ainsi aux soldats du front. De plus, les civils peuvent envoyer au front leurs propres productions. Il est également possible d’émettre l’hypothèse que la poule représente symboliquement le civil exemplaire. À l’image de l’animal présenté ici bien en chair, gros producteur et faible mangeur, le civil doit être en mesure de produire beaucoup tout en mangeant modestement, en se privant.
Réalisée en 1917 par l’illustrateur Georges Henri Hautot, cette affiche du Ministère de l’Agriculture est destinée aux civils de l’arrière. Elle les somme de participer à l’effort de guerre en semant des pommes de terre qui seront envoyées aux soldats. La pomme de terre est en effet la composante essentielle du plat de subsistance des soldats et des civils puisque ce tubercule n’a pas besoin de beaucoup de soins et se développe très vite.

Cette affiche distribuée dans toutes les communes et certainement affichée dans les écoles, fait appel à la « main d’œuvre scolaire ». Les enfants sont considérés comme tous les autres citoyens adultes : eux aussi doivent contribuer à l’effort de guerre par leurs propres moyens. La campagne de l’Etat pour l’agriculture et la nourriture, via le Ministère de l’Agriculture, incite les enfants à ramasser les marrons et les châtaignes pour protéger les réserves de céréales. Les marrons, bien qu’ils ne soient pas une denrée comestible, et les châtaignes, doivent être ramassés car ils peuvent servir à l’industrie de guerre et ainsi préserver d’autres céréales comestibles. Ils sont utilisés pour produire de l’acétone, composant nécessaire à la guerre car il permet de fabriquer, entre autres, des explosifs. Le maïs et le riz, également utilisés pour la production d’acétone, peuvent alors être sauvegardés. Ce qui peut être considéré, en temps de paix, comme un jeu, devient une « tâche patriotique » utile à la sauvegarde du pays. La très faible rémunération (0,08 franc pour 1 kg) ajoute une motivation pour les enfants qui peuvent ainsi ramener quelques pièces en plus chez eux, ce qui n’est pas négligeable du fait de la forte inflation.