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Le nord de la France pendant la guerre : les écoles témoignent

Le nord de la France pendant la guerre : les écoles témoignent

Dossier réalisé par Mehdi Housseini et Angel Aguado, étudiants de L3 Histoire. Projet "Histoire en action". Université Paris-Nanterre.

Lors de la première guerre mondiale, certaines régions de France sont très touchées par les combats et destructions. Les plus grandes batailles, les bombardements touchent les régions frontalières avec la Belgique et l'Allemagne. Certaines parties du territoire français sont même occupées par les troupes et autorités allemandes. Les premiers affrontements de cette guerre se déroulent en Belgique et dans le Nord-Est de la France. L'Angleterre envoie son Corps expéditionnaire, une force de 70 000 hommes pour participer dans la guerre au front Belge. Suite à l'échec allemand d'envahir la France après la Bataille de la Marne en septembre 1914, la mer du Nord devient le nouvel enjeu et les armées se lancent dans la "course à la mer". En octobre, Lille tombe sous la domination allemande. En décembre, le front de la guerre se stabilise, laissant une quinzaine de départements français sous occupation allemande. Il s'étend du Nord au Sud du Pas-de-Calais, la Somme, l'Oise puis d'Ouest en Est de l'Aisne, la Marne, la Meuse, les Vosges et le Haut-Rhin. Ce front reste stable malgré des luttes acharnées jusqu'en 1917. Le 11 novembre 1918 l'empire allemand est vaincu et les territoires occupés sont libérés dans leur totalité.

Couverture du dossier, le titre "Cambrai 1920 collège Fénelon" est surmonté d'un dessin de belvédère et entouré de fleurs et feuilles d'automne
Cambrai (59) Collège Fénelon : réponses au questionnaire concernant le territoire occupé par les armées allemandes

Les archives du fonds de l’Académie de Lille conservées par La Contemporaine nous permettent de développer toute la problématique de l'occupation allemande mais également de de mesurer l'influence qu'ont eue la guerre et la présence des soldats alliés sur la population civile, en particulier sur la vie des professeurs et des élèves des régions du nord de la France.

Les documents de ce dossier sont extraits d'un fonds composé de 12 cartons, 500 dossiers et 3850 pièces. Ce fonds produit par l'Académie de Lille est conservé par La Contemporaine depuis le don effectué par le recteur de l'Académie de Lille en avril 1924. Il s’agit d'une collecte effectuée en 1920 auprès des enseignants et des élèves et de leurs familles à l'occasion d'une enquête promue dans l'Académie de Lille, académie qui s'étendait à cette époque sur cinq départements (Aisne, Ardennes, Nord, Pas-de-Calais, Somme). Cette enquête, via un questionnaire, assorti de la demande d'envoi de documents, devait servir à organiser une exposition qui devait se tenir sur le site de l'Exposition Internationale de Lille, et ensuite à alimenter les collections de la Bibliothèque Musée de la guerre, qui donnera par la suite naissance à la Contemporaine. L'enquête fut lancée en avril-mai 1920, le terme pour l'envoi des formulaires étant fixé au 31 mai 1920. Le fonds a été retrouvé au début des années 1990, il était contenu dans 11 cartons numérotés.

Réponses manuscrites d'élèves ou de professeurs aux questionnaires adressés par le recteur de l'Académie de Lille

Il y a deux questionnaires différents, un pour les territoires occupés par les armées allemandes, un autre pour les territoires qui ont eu des rapports avec les troupes alliées.

Page manuscrite de cahier décrivant l'arrivée des soldats allemands
Réponse manuscrite au questionnaire du recteur de l'Académie de Lille. Il est écrit en mai 1920 par un professeur du collège Fénelon de Cambrai. (Cote : F delta 1126/02)

Pour les territoires occupés, les questions sont les suivantes :

-  La date et la prise violente ou pas de la ville ;

-  L’attitude de l'autorité militaire à l'égard de la population pendant les premiers jours et dans la suite de l'occupation ;

-  D’éventuels propos authentiques tenus par des officiers qui seraient caractéristiques de leur état d'esprit ou de celui de l'opinion publique en Allemagne à cette époque ;

-  Si l'autorité ennemie a donné des ordres qui témoignent d'un système de « guerre au civil» ;

-  Si des officiers ou inspecteurs allemands ont prétendu contrôler l'enseignement, s'ils sont rentrés dans les écoles et s'il y a eu des échanges avec des élèves

-  Si les élèves ont été forcés à des travaux manuels et si oui, ont-ils eu des attitudes dignes de remarque ;

-  L’attitude générale des élèves à l'égard des troupes ;

-  Si le séjour des troupes allemandes a influencé la langue locale, si des mots allemands sont restés et s'ils paraissent persister.

La localité tombe rapidement aux mains des Allemands, le 26 août 1914. « Armes au poing », les soldats allemands pillent la ville et demandent aux membres de la municipalité de l'Hôtel de ville de leur livrer comme « butin de guerre » une grande quantité de provisions telles que du pain, du vin ou des œufs. L'auteur met en avant la brutalité de l’occupation, notamment les abus perpétrés tels que les confiscations d’armes ou encore les convocations devant le conseil de guerre pour possession d’armes. L'auteur se plaint longuement des abus commis par les « barbares » qui font trop de réquisitions « contre les lois de la guerre » sur tous types d'objets et de ressources. Par la suite, il livre des témoignage sur la mentalité des allemands et leur façon d'approcher les populations occupées, en essayant de les convaincre que les coupables de la guerre sont les Anglais et qu'ils doivent s'unir. En novembre et décembre 1917, les environs de la ville sont le théâtre de la bataille de Cambrai, qui voit pour la première fois l'utilisation massive de tanks. Finalement, la ville est abandonnée par les allemands en 1918.

Page manuscrite de cahier rapportant des propos tenus par des Allemands
Réponse manuscrite au questionnaire du recteur de l'Académie de Lille. Elle est écrite le 31 mai 1920 par deux professeurs du Collège du Cateau, qui se trouve dans la ville Le Cateau-Cambrésis (à 10 km de la frontière avec la Belgique) (cote : F delta 1126/02)

Pour les territoires qui ont eu des rapports avec les troupes alliés, les questions portent sur:

-  L’occupation territoriale des troupes (leur origine) ;

-  La date d'éventuels combats qui se seraient déroulés sur le territoire ;

-  Le rapport entre les soldats et les enfants ;

-  L’influence linguistique des soldats.

Page manuscrite de cahier décrivant les rapports avec les soldats français
Réponse manuscrite au questionnaire du recteur de l'Académie de Lille, le 28 mai 1920 par un élève du Collège de Maubeuge, réfugié au Tréport pendant la guerre.
Page manuscrite de cahier décrivant l'attitude des Allemands dans la ville
Réponse manuscrite au questionnaire du recteur de l'Académie de Lille, en mai 1920 par un professeur de Lycée de Lens.

La petite ville du Tréport (Seine-Maritime) est un port proche de la ligne du front, du côté des alliés. Les soldats anglais construisent un hôpital et plusieurs troupes y séjournent, notamment anglaises et françaises. L'élève raconte que des soldats anglais convalescents s'étaient, un jour de pluie, réfugiés dans sa maison,avant de partir le jour suivant au front. Six mois plus tard, ces mêmes soldats reviennent chez lui avec un ballon, pour le remercier de son hospitalité. Ils « laissaient le ballon pour la petite garçonne». Les enfants ne cachent pas leur fascination par rapport aux soldats français. L'auteur raconte ainsi que deux de ses camarades se sont enfuis des cours pour aller aider au front, armés de couteaux et ont été retrouvés à dix kilomètres de chez eux par leurs parents.

Les autorités allemandes imposent une occupation difficile aux civils : obligation de loger les officiers, réquisitions massives (cuivres, matelas, pianos, chiens), envoi d’hommes en Allemagne, amendes civiles ou individuelles, contributions forcées sous menace d’incendie d’un quartier de Lens. L'auteur distingue les soldats prussiens, jugés plus durs et qui n'hésitent pas à se présenter comme alsaciens-lorrains pour gagner la confiance des français des soldats bavarois, « assez convenables ». Malgré des conditions de vie difficiles, le professeur aidé par un ingénieur, un élève de l'Ecole des arts et métiers et un instituteur, réorganise l'école primaire supérieure, dans les caves de trois maisons contiguës, avec 112 élèves inscrits. L'autorité allemande n'intervient pas dans le contrôle de l'éducation mais les élèves doivent justifier leur qualité d'étudiants en présentant des cartes, sous peine d’être réquisitionnés pour effectuer des travaux manuels.

Page manuscrite de cahier rapportant des propos tenus par des Allemands
Réponse manuscrite au questionnaire du recteur de l'Académie de Lille. Elle est écrite le 28 mai 1920 par une institutrice d'Arras qui habite le petit village de Radinghem
Page manuscrite de cahier décrivant les liens entre les soldats alliés et les enfants
Réponse manuscrite au questionnaire du recteur de l'Académie de Lille. Elle est écrite le 28 mai 1920 par une élève qui habite le petit village de Halinghen

La localité est prise par les Allemands à la suite de batailles sanglantes le 10 octobre 1914. Les premiers jours, les autorités terrorisent la population, brûlent des fermes. Par la suite, les soldats se montrent plus humains mais les ordres des autorités restent très stricts. Enfermés dans des camps de prisonniers, des civils sont forcés de travailler au front, exposés aux obus. Le témoignage révèle également l’humanité de certains officiers allemands et met en lumière les rivalités et tensions existant au sein même de l’armée occupante.

C'est un village paisible à l'écart des grandes routes, qui est occupé pendant 4 mois en 1916 par des anglais puis, vers la fin de la guerre, en 1917, par des australiens, des portugais, enfin par des américains. Pendant la guerre, la population ne subit pas de violences, mais la proximité avec Boulogne et Étaples, souvent bombardés pendant la guerre, entraîne le survol des avions la nuit sur le village. L'élève insiste sur les relations entre les enfants et les soldats. Ils sont très complices. Véritables compagnons de route, les enfants sont fascinés par les soldats, au point de passer toute la journée en leur compagnie.

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