Le fonds Valois
À l'occasion de la publication sur l'Argonnaute de la dernière série de tirages du fonds Valois, nous vous proposons de revenir sur ce fonds emblématique de La Contemporaine. Ces photographies rassemblées par la Section photographique de l’Armée (SPA) constituent un ensemble iconographique et documentaire de premier plan pour l’histoire de la première guerre mondiale.
La Section photographique de l'Armée (SPA)
Créée en mai 1915 afin de “de fournir des images de propagande aux pays neutres qui sont submergés de photographies allemandes” et “d’assurer une propagande loyale à l’aide de documents authentiques” (1), la SPA s’inscrit dans la nécessité de contrôler la production d’images autour du conflit.
Elle est placée sous l’égide de trois ministères :
- le Ministère de la Guerre assure la réglementation de l’envoi des photographes opérateurs sur les fronts, l'orientation de la thématique des reportages et du choix des prises de vues ;
- le Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts fournit l’équipement nécessaire aux prises de vue et à leur développement, s’occupe du tri et de l’archivage des plaques de verre et des tirages ainsi que de l’accueil du public ;
- le Ministère des Affaires étrangères prend en charge la diffusion à l’étranger.
Des opérateurs, photographes professionnels employés par le Ministère de la Guerre, sont ainsi envoyés sur les fronts d’Orient et d’Occident avec pour mission de rapporter des images du conflit. Leurs prises de vue sont cependant limitées par deux principaux facteurs. Le matériel d’abord : lourd et encombrant. La commande, ensuite : les opérateurs reçoivent des instructions précises sur le type d’image à produire, le résultat final devant passer le visa de la censure.
Cela donne lieu à une iconographie qui ne témoigne pas directement des combats au moment où ils se tiennent mais plutôt de leurs conséquences, telles les destructions. Cela dans un but de propagande mais aussi de documentation dans une perspective de reconstruction des édifices (2). Les photographies doivent également mettre en valeur la puissance de l’armée française, l’équipement du soldat etc., en prenant toutefois garde de ne pas divulguer d’informations sensibles.
Les opérateurs mandatés par l’Etat pour couvrir le conflit ne sont cependant pas les seuls pourvoyeurs d’images de la SPA. Par l’intermédiaire d’appels au don dans la presse, elle a pu collecter par ailleurs des photographies et compléter sa collection auprès d’autres sources telles que les services photographiques des pays alliés, des agences de presse, les services officiels français (Identité judiciaire) mais aussi des photographes extérieurs à la Section, professionnels ou amateurs.
Comment lire une planche d'album Valois ?
Pour chaque planche avec tirage d’un album Valois, on trouve les informations suivantes :
- au-dessus et à gauche du tirage : la source : code de l’opérateur (une lettre suivie de chiffres), service presse ou bien l’abréviation “cl” pour les clichés personnels ;
- en haut à droite, le numéro d’entrée dans les registres de la SPA ;
- à droite du tirage, le lieu et la date de la prise de vue ;
- en-dessous du tirage, la légende du cliché.
Histoire et organisation du fonds de la Section photographique de l’Armée (SPA)
Quelques mois avant la création de la SPA, qui pallie le besoin de produire des images par l’Etat du conflit en cours, d’autres acteurs, comme les époux Leblanc, fondateurs de ce qui deviendra La Contemporaine, entreprennent de collecter ces images parmi d’autres et de les conserver afin de les transmettre à la postérité. Dès le début de la première guerre mondiale, ce couple d’industriels pressent le caractère inédit du conflit et les bouleversements qui vont s’ensuivre. Ils s’attachent alors à collecter tout document ayant trait au conflit, et ce, quel que soit son support : peintures, objets, journaux intimes, ephemera et photographies dont celles de la SPA grâce à leur système de diffusion. Ils conservent tous ces documents dans un musée disposant d'une salle de lecture.
Pour autant, ce ne sont pas ces mêmes photographies de la SPA que nous retrouvons aujourd’hui dans les fonds de La Contemporaine. En 1944, la collection des époux Leblanc, donnée à l’Etat en 1918 et rassemblée dans une institution qui a depuis pris le nom de Bibliothèque-Musée de la Guerre, souffre de pertes importantes lors de l’incendie par les SS du Pavillon de la Reine à Vincennes. Les témoignages photographiques de la première guerre mondiale qui s’y trouvent alors sont détruits.
Afin de participer à la reconstitution de ces collections, l’institution, entre-temps rebaptisée Musée des deux Guerres mondiales, bénéficie en 1956 d’un dépôt des albums photographiques de la SPA hérités du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, conservés jusqu’alors rue de Valois, dont ils prendront le nom par la suite. Les albums sont accompagnés d’autres tirages photographiques, soit des doubles des albums, soit d’autres photos, du front étranger par exemple.
La Contemporaine conserve aujourd'hui 539 albums de planches 25 x 37 cm et 13 albums thématiques grand format ainsi que 200 000 tirages isolés classés par thèmes, dont près de 1000 sont consultables sur l'Argonnaute.
Plus précisément, les albums dits « Valois » conservés à La Contemporaine présentent des tirages issus des plaques de verre des opérateurs, celles conservées aujourd’hui à l’ECPAD. La mise en album des tirages crée une différence notable en termes d’accès au fonds, puisqu’elle favorisait et favorise toujours la consultation et l’exploitation de ces vues. En effet, ces derniers ont non seulement été classés (par département puis thématiquement) mais aussi rigoureusement légendés par les archivistes de la SPA d’après les indications rapportées par les opérateurs.
Aux albums s’ajoutent quatre séries de tirages isolés, eux aussi classés, elles concernent :
- Le Front russe (VAL/TIR/01) ;
- Le Musée Leblanc puis le Musée de la guerre (VAL/TIR/02), une série de tirages qui documente les origines de La Contemporaine et qui vient d'être mise en ligne ;
- Les internés civils (VAL/TIR/03) ;
- L'industrie en France pendant la première guerre mondiale (VAL/TIR/04).
Il faut noter que des collections conservées dans deux autres institutions complètent le fonds de la SPA, résultat des différentes tutelles sous l’égide desquelles les photographies avaient été produites :
- les plaques de verre, soit les originaux, sont aujourd’hui conservées à l’ECPAD, cela représente 110 000 vues dont 49 000 sont accessibles en ligne sur la plateforme ImagesDéfense ;
- la Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MPP), établissement du Ministère de la Culture qui succède au Ministère des Beaux Arts, conserve quant à elle environ 120 000 tirages, dont 35 000 en ligne sur la base de données Mémoire, accessible par la Plateforme ouverte du patrimoine (POP).
Toutes ces photographies représentent des sources complémentaires aux albums et aux tirages Valois conservés à La Contemporaine.
Notes
- Rapport sur la SPA cité dans Beurier, Joëlle, “Le photocombattant” ou la naissance d’un métier (1915-1918), dans Philippe Kaenel (dir.), Les périodiques illustrés (1890-1940) : écrivains, artistes, photographes, Gollion, Infolio, 2011.
- Guillot, Hélène, “Sur le front photographique, la propagande officielle par l’image” dans Le Ray-Burimi, Sylvie (dir), Vu du front : représenter la Grande Guerre. Catalogue d’exposition (15 octobre 2014-25 janvier 2015) Somogy, Paris, 2014, p. 64-72.
Image de bandeau en début d'article : Les Éparges (Meuse). Vue panoramique de la cote des Eparges - VAL GF 02/011
Coline Silvestre, chargée des collections photographiques à La Contemporaine
Pour aller plus loin
Pour aborder la richesse du fonds, l’Argonnaute propose un formulaire de recherche qui permet d’explorer le fonds selon des critères précis et combinables :
Consulter les photographies de l'ECPAD et de la MPP :
18 février 2025