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Le Berliner Illustrirte Zeitung (1892-1945)

Le Berliner Illustrirte Zeitung (BIZ) occupe une place tout particulière dans l’histoire de la presse illustrée allemande, voire européenne. Sa naissance et son ascension sont à replacer dans le contexte de l’effervescence éditoriale qui caractérise la presse allemande et berlinoise en particulier au tournant du siècle.

Une du journal, présentant une photo de deux personnes sur une bateau à moteur.

Une du Berliner Illustrirte Zeitung, 26 avril 1914. FP 0417

A l’époque, le « quartier de la presse » (Zeitungsviertel) sort de sous terre et voit s’affronter trois grandes épopées éditoriales : celles de Rudolf Mosse (Berliner Tageblatt, Ulk), d’August Scherl (Berliner Lokal-Anzeiger, Die Woche) et de Leopold Ullstein (BIZ, Berliner Morgenpost).

C’est ce dernier qui lancera vraiment le BIZ, même s’il n’en est au départ que l’imprimeur avant d’en devenir le propriétaire (1894). L’hebdomadaire est alors jugé peu rentable et « plafonne » à un peu moins de 14 000 abonnés. Le succès du titre va tenir à la conjonction positive de trois types de facteurs, d’ordre technique, commercial et éditorial. 

Les enjeux techniques se situent d’abord au niveau de l’image photographique et de sa reproduction. Le BIZ n’est certes pas le premier à publier des photographies, mais il est, en revanche, le premier à en faire un usage aussi massif au point de bousculer la supériorité de l’écrit sur l’image qui prévalait jusque-là. L’obtention d’images de bonne qualité qui restituent les demi teintes et teintes intermédiaires est encore trop coûteuse jusqu’à ce que l’autotypie fasse son apparition (1882) et permette de supplanter la gravure sur bois et le dessin à la plume. Cette avancée technique va de pair avec l’invention de la photographie instantanée qui elle, va permettre de rendre tous les mouvements et nuances de la vie. Dès lors, les conditions sont réunies pour poser les bases de ce qui deviendra le « reportage photographique ». La demande d’images croît à un point tel que Leopold Ullstein crée son propre atelier de photogravure dès 1896. Parallèlement, le perfectionnement des procédés d’impression, rendu d’autant plus nécessaire que la pagination augmente, va marquer un bond technique décisif : le passage de l’impression à plat à l’impression rotative intégrale (Komplett-Rotationsmaschine) en 1902 permet en effet de sortir l’édition d’un numéro complet (images incluses) d’un seul tenant. En 1927, la maison Ullstein est en capacité de produire un 48 pages à 2 millions d’exemplaires aussi rapidement qu’elle mettait à sortir 100 000 exemplaires d’un 16 pages un quart de siècle plus tôt.

Du point de vue commercial, le BIZ inaugure également une rupture. Le prix de l’hebdomadaire reste un obstacle, quand bien même ce dernier, fixé à 1,35 Reichmarks par trimestre (soit 5 marks par an) est dix fois inférieur à celui du concurrent historique, l’Illustrirte Zeitung, édité depuis 1843 par Johann Jacob Weber à Leipzig. L’innovation majeure d’Ullstein va résider dans le fait de mettre un terme à la « sacrosainte » contrainte de l’abonnement, une pratique qui restreignait de facto l’accès du journal aux classes les plus aisées de la société. L’idée était d’autant plus osée pour l’époque que le principe du feuilleton à suivre au prochain numéro n’était pas acquis pour la presse hebdomadaire comme il pouvait l’être pour la presse quotidienne. En outre la libéralisation du commerce de rue, qui facilite la vente au numéro, n’intervient qu’en 1904. Le coût du numéro est de 10 Pfennigs, ce qui le rend accessible aux ouvriers et petits employés. Le monde de la distribution de la presse, après une courte période de résistances, adopte le principe et s’en trouve durablement bouleversé.

En matière éditoriale, les trouvailles ne sont pas moins nombreuses et le fruit de toute une équipe qui entoure le fondateur, depuis ses fils jusqu’à ses collaborateurs, le rédacteur en chef Kurt Korff en tête. Le principe du roman feuilleton hebdomadaire est donc adopté. La photographie cesse d’être purement illustrative pour devenir centrale et raconter quelque chose par elle-même. En outre dans la culture de l’image propre à l’espace germanique, un nouveau rapport s’instaure entre le sujet photographié, le photographe et le public : l’appareil photographique apprivoise ses sujets et parvient à les rendre moins guindés, plus « acteurs » face à l’objectif. Ceci semble faire écho à la tendance au culte de la personnalité qui va se développer tout au long du Reich wilhelminien. Enfin, le BIZ est le premier à quitter les « habits provinciaux » qui caractérisent de façon générale les titres de presse allemande de l’époque. Il accompagne aussi bien du point de vue formel que du point de vue des sujets traités la mue de Berlin qui devient « capitale monde ». 

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