Parallèlement à l’exposition Vu du front. Représenter la Grande Guerre,qui se tient jusqu’au 25 janvier 2015 à l’Hôtel national des Invalides, la BDIC vous propose de vous plonger dans le parcours croisé de trois des artistes exposés : Henri Camus (1893-1989), Etienne Auguste Krier (1875-1953) et Karl Lotze (1892-1972)
XX dessins, des photographies et des objets vous permettront de découvrir l’expérience de guerre de ces trois combattants, en contrepoint de la vision exprimée par les peintres officiellement envoyés en mission par les États belligérants.
Appartenant à la classe 14, Camus est mobilisé dès le début de la guerre. Il n’a pas de formation artistique, mais pratique assidûment le dessin depuis l’enfance et continue pendant toute la durée du conflit.
Caporal grenadier au 65e régiment d’infanterie, Camus montre le quotidien de son unité, le ravitaillement, le froid, la boue, mais il revient surtout sur plusieurs attaques meurtrières , en montrant toutes les phases : le départ « la trouille aux fesses », le croisement avec les blessés d’autres unités qui reviennent vers l’arrière, le lancement des grenades, le retour moitié moins nombreux…
Formé à l’École des beaux-arts, Krier peint et dessine pendant toute la durée de la guerre, utilisant des techniques et des supports très variés (crayon, encre, aquarelle sur des feuilles détachées, dans des carnets, huile sur bois, etc.). Affecté au 48e régiment d’infanterie territoriale dès août 1914, il devient caporal, puis sergent téléphoniste.
Dès septembre 1914, à la demande d’un officier, il réalise des représentations de son environnement, pour être joints aux rapports officiels de son escouade. Les peintres, dessinateurs ou photographes, même amateurs, sont ainsi souvent mis à contribution, comme en témoignent les correspondances.
Tout juste sorti de l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf, l’artiste peintre Lotze s’engage comme volontaire le 6 août 1914 au 164e régiment d’infanterie du Hanovre.
Retiré du service en première ligne après plusieurs hospitalisations, il est ensuite affecté à la VIIe armée en tant que peintre aux armées.
Henri Camus retravaille souvent les mêmes motifs, allant de petits croquis au crayon aux aquarelles : les corps dans les barbelés, les blessés que l’on croise sans pouvoir leur porter secours, les chevaux morts, les paysages vides sont des thèmes fréquents, bien plus que les scènes plus convenues du quotidien.
Une partie de ces dessins est envoyée à ses parents et à sa future femme. Il note ainsi dans une lettre à sa mère au dos d’une aquarelle montrant un petit groupe d’hommes revenant du combat dans un paysage dévasté : « papa la trouvera sans doute un peu “dure” mais je la préfère aux autres car elle me semble la plus “vraie” ». Avec le même souci de véracité peut-être, il précise aussi parfois dans quelles circonstances le dessin ou l’aquarelle ont été réalisés : « fait de mémoire dans la sape (bien tranquille) ».
.Karl Lotze pratique aussi bien la peinture et le dessin que la gravure et la photographie. Il utilise cette dernière conjointement au dessin pour rendre compte de son quotidien dans l’Aisne occupée, montrant ses camarades, des scènes de marché, sa logeuse, nous offrant aussi quelques autoportraits.
L’artiste se représente ici lors de sa première sortie du matin : le ton est à la plaisanterie, et le dessin sert visiblement à donner une image apaisée des conditions de vie.
Ce dessin aquarellé, réalisé en Champagne en 1917, a été donné à la BDIC par la famille Camus en 2008.
Le sujet de la mort donne lieu à des représentations qui tendent à devenir conventionnelles, comme celle du cadavre accroché aux barbelés, que l’on trouve traitée de façon presque identique à plusieurs reprises, et en particulier par Henri Camus, dont le dessin montre un corps de tirailleur dans une position quasi-christique
Ce n’est pas un hasard si, dans l’argot des tranchées, les barbelés avaient été désignés par le terme de « séchoirs », par référence aux séchoirs à viande.
Cette petite huile sur bois, de 122 sur 18 cm, peinte sur un couvercle de boîte à tabac a été donnée à la BDIC en 2000.
Loin des représentations attendues du front et de ses horreurs, elle donne à voir un paysage champêtre, où les soldats de retour de première ligne profitent d’une accalmie dans les combats : on se lave de la boue des tranchées, on se lance dans un match de football. Quelques jours de repos et d’apaisement avant de remonter en première ligne.
C’est dans ce contexte de la seconde ligne que dessinateurs et peintres mobilisent leurs souvenirs des jours passés, reprennent leurs croquis crayonnés dans l’urgence de la tranchée, pour livrer à leur famille les représentations du front que la BDIC, comme d’autres établissements patrimoniaux, conservent…
Conception et textes: Aldo Battaglia, Caroline Fieschi, Frédérique Joannic-Seta
Numérisation des documents: Atelier de numérisation de la BDIC (Marie-France Dumoulin, Alexandre Kosseev, Claude Kululu, Aline Théret)