Les Journaux de prisonniers et d'associations de prisonniers (1940-2005) de la Seconde Guerre mondiale (Stalags et Oflags)
Le 19/10/2018 à 15h36 par Dominique BOUCHERY
Résumé

Le 17 juin 1940, après un peu plus d’un mois d’une campagne de France qui voit l’armée victorieuse de 14-18 débordée par les forces allemandes, le maréchal Pétain annonce aux Français « le cœur serré (…) qu’il faut cesser le combat ». Fin des combats certes, mais pas fin de la guerre : pour 1,8 million de soldats français faits prisonniers s’ouvre la période incertaine de la captivité dans le Grand Reich nazi. 1,6 million la subira jusqu’à la capitulation de l’Allemagne quatre ans plus tard, en stalag (Stammlager) pour les hommes de troupe, en oflag (Offizierlager) pour les officiers qui n’ont pas à travailler.

Dès lors, pour ces hommes confrontés à l’inconnu quant au sort des familles en France et aux duretés de la captivité en camp, pour le régime de Vichy qui fait des prisonniers de guerre une figure centrale de sa « Révolution nationale », comme pour la puissance détentrice qui insère cette population dans sa politique de « collaboration » et l’emploie pour son effort de guerre, les parutions destinées aux captifs deviennent un enjeu pluriel – culturel, idéologique, politique et économique – de l’expérience de la défaite.

 

  La numérisation de 70 titres environ par la Contemporaine offre une formidable plongée dans le monde des camps, dans ce quotidien, loin de la France, qui se lit aussi bien à travers les réflexions géopolitiques sur le contexte européen, les positions et propositions quant à l’avenir – économique, social et culturel – de la France, les brèves qui transforment leurs colonnes en relais avec les siens (l’enjeu du courrier) comme avec les autorités allemandes (le rôle de l’homme de confiance), sans oublier les pages sportives. Fonction récréative, fonction informative, les journaux affirment surtout, de 1940 à 1945, leur fonction idéologique fidèle à la « Révolution nationale » dont la rhétorique sature les pages, par le texte et l’image avec des francisques en majesté. Ces publications peuvent alors se lire aussi bien dans le cercle de l’intime qu’à l’échelle du camp mais aussi dans l’espoir du rapatriement en France qu’il faut préparer. Elles apparaissent enfin comme des productions de cette zone grise entre prisonniers et geôliers comme l’explicite le sous-titre du Bébé du B.B. « publié sur l’initiative et avec l’autorisation des Autorités allemandes ». Sans doute un des facteurs d’explication de la diversité des factures, que les parutions soient de fabrication soignée ou qu’elles relèvent davantage du bricolage.

 

 Les titres reflètent à la fois cet attachement au maréchal (Au service du Maréchal, Bulletin du Mouvement Pétain), moins souvent au régime (La Francisque), selon une chronologie qui apparaît d’ailleurs de plus en plus en décalage avec l’adhésion déclinante des Français à Vichy, l’appartenance à une communauté qui est celle du camp (Bulletin du II E, Camp Quand, Le clos VI D, L’Echo du Stalag II A et de ses kommandos…) ou bien, de façon plus sensible, une communauté de vie (Entre camarades, L’Equipe, Pour nous). D’autres titres insistent sur ce temps suspendu – perdu ? – de la captivité (Le Pass’temps, Le canard embarbelé, L’Ephémère) et la fonction de support qu’ils prétendent assurer face à cette attente émolliente (Espoir, L’Optimiste, Demain). La volonté d’utilité se retrouve dans plusieurs périodiques (Servir, Tenir, Unir, Renaître).

 

 Même si les séries se limitent souvent à quelques numéros, le corpus désormais en ligne vient nourrir un renouveau des études sur la captivité depuis le travail magistral d’Yves Durand publié début des années 80 et met à disposition de l’historien des matériaux sur ce qu’a été la captivité – moins sans doute en tant qu’état d’esprit qu’en tant qu’horizon d’attente que Vichy et les autorités nazies eussent aimé qu’il fût – aussi bien que sur sa mémoire avec des publications de l’après-guerre (Le lien, 1954 à 2005). Croisées aux dépôts aux Archives nationales des fonds de certaines amicales d’anciens prisonniers, ces archives devraient intéresser les chercheurs de la guerre et de sa mémoire et permettre de diversifier les approches sur la captivité.

 

https://argonnaute.parisnanterre.fr/ark:/14707/a011521472636XWCShD

 

 

 

Fabien Théofilakis, MCF en Histoire contemporaine, Paris 1 - Panthéon Sorbonne 

 

 

 

Chanteclair, Revue mensuelle du Stalag IV B, Mars 1942

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  • Bonjour à tous, Mon père Jean Baptiste Glet, 35è Régiment d'Artillerie, fait prisonnier à Dunkerque le 4 Juin 1940, a été prisonnier au Stalag 1A de Stablack. Je cherche à avoir des précisions afin d'écrire son parcours militaire. Je dispose de 2 ou 3 photos envoyées du camp à la famille. Pourriez vous m'indiquer où je pourrais obtenir cette information et peut-être son dossier de prisonnier ?
  • Bonjour, je suis la petite fille de Maurice Bally il était au stalag 8 c entre 42 et 44 et je suis aussi la petite fille de René Peysson pour lui je c juste qu'il était sur un bateau en Allemagne c tout ce que je c, je recherche des renseignements sur eux donc si vous les croisez écrivez moi à cette adresse email : verogachaste.bourdier@gmail.com
  • Bonjour Je suis la petite-fille de Roger De Wilde, né le 24/11/1907 à Gand. Je cherche de l'information concernant sa vie de prisonnier à Hammerstein, Stalag IIB. Quand en comment il a été libéré? Avez -vous d'autre information? Merci bien de m'aider. Ann De Wit (de.wit.ann@telenet.be)
  • Comment avoir confirmation que mon père Jean Riboreau (prisonnier n°60959) a bien séjourné au camp de Krefeld. IIl aurait également été au stalag XVIII A. Merci pour l'aide que vous pourriez m'apporter.
  • Bonjour, pour toute demande, merci de nous écrire à l'adresse contact@lacontemporaine.fr, en vous remerciant par avance, l'équipe de La contemporaine
  • suite Liliane Tomasi J'ai 1 photos de groupe
  • Bonsoir Mesdames et Messieurs. Je recherche des informations concernant mon grand-père maternel, Jean François BERNARD né le 09.11.1913 prisonnier au STALAG G emplacement OSCHATZ. Serait t'il possible d'obtenir son dossier de prisonnier?. Je vous remercie de votre aide. Liliane TOMASI
  • Bonsoir Mesdames,Messieurs, Je suis le petit fils d’un prisonnier du stalag xb et xa aujourd’hui mes parents ont découvert une photo de groupe et des enveloppes avec les tampons une stalag xb et l’autre stalag xa avec un 70 dessus J’aimerais pouvoir vous joindre cette photo de groupe Mon grand père était André Ameline né le 26/11/1917 a Chambray les Tours Donc pourriez-vous m’indiquer comment partager cette photo de groupe Bien cordialement Willy Hardouin
  • Bonjour ; le frère de mon grand père paternel était prisonnier au Stalag IIA à Neubrandenburg en 1941 ; son nom : GOFFIN LUCIEN HENRI né à Paris en 1908 Je n'ai hélàs pas d'autres informations ; est ce possible d'avoir accès à son dossier de prisonnier ? Merci pour toute l'aide que vous m'apporterez Mme GOFFIN Roullet Patricia
  • Fils de déporté (AEL Lahde, KZ Buchenwald, KZ Barth) je recherche tous renseignements sur le Kommando de prisonniers de guerre qui travaillaient sur la base aérienne de Barth (numéro d'identification, nombre de PG, nationalités, type de travail ou travaux, témoignages, etc) : mon père était entré en contact (une seule fois) avec certains d'entre eux et avait décrit la scène dans son le témoignage que j'avais réussi à lui faire écrire 50 ans après sa libération par l'Armée rouge. Par avance, merci !
  • Bonjour Je viens d’arriver sur ce site c’est formidable Je recherche mon grand-père, Et je me dis que peut-être celui-ci ou celui-là le connaissais
  • mon père:GUILLAUME Joseph(belge)matricule 23579/IVB-Kdo Sebnitz. J'ai son dernier ausweis daté du 20/03/1945. Je recherche des renseignements sur sa détention, les travaux lui imposés etc... Je vous remercie.
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