La dérision, l’humour, le grotesque font partie de la culture centre-européenne.
Chez les Tchèques, ils sont une arme récurrente contre les agressions. Ce n’est pas un hasard si le « Brave soldat Chveïk », popularisé sur la scène européenne dans les années 1920, est un de leurs héros emblématiques.
L’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie (Roumains exceptés) le 21 août 1968 a réactivé cet humour ravageur, les murs se couvrant d’inscriptions : « Lénine réveille-toi, Brejnev est devenu fou » (50304), les tracts et les affiches se multipliant.
Les douze pièces de ce fonds jouent sur les différents registres d’un humour politique grinçant. L’usage de la force brutale est dénoncé : un immense Chveïk annonce sentencieusement : « Vous êtes aussi petits que vous êtes grands » (50303) tandis que les occupants cherchent vainement la « contrerévolution » (50300).
Les Tchèques aiment aussi les jeux de mots : ils avaient baptisé le « Protektorát » de Bohême-Moravie » « protentokrát » (« pour cette fois-ci »). Ici, ils jouent avec le nom du président de la République Ludvík Svoboda (Liberté) : « Avec Svoboda pour la liberté » (50302 et 310). La dénonciation de la brutalité « soviéto-asiatique » est claire (50306 et 311) tout comme la trahison (50307), avec un détournement de la propagande soviétique (50308) ou un renversement des situations (50312). Les métaphores de la circulation routière (50301 et 309) sont savoureuses quand on sait que les Tchèques ont fait disparaître les panneaux de circulation dès le 21 Août.
Pour visualiser le reste de la collection :
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Antoine Marès, Professeur, Paris 1 Panthéon-Sorbonne
(GDR Connaissance de l'Europe médiane)