Les albums Valois du département du Pas-de-Calais sont désormais en ligne : 6336 nouvelles photographies sont à votre disposition, permettant notamment de découvrir l'implication britannique sur ce territoire pendant la Grande Guerre.
Le Pas-de-Calais a longtemps été à la marge de l’historiographie de la Grande Guerre. Les batailles d’Artois en 1915 ou d’Arras et Vimy en 1917 ont souvent constitué les seuls faits marquants ou dignes d’intérêt pour les spécialistes du conflit. Le passage de la ligne de front à l’extrémité orientale du département de Lens à Arras a sans doute moins suscité l’enthousiasme des chercheurs et amateurs pour le Pas-de-Calais que pour la Somme ou la Belgique. D’autre part, si l’armée française sort meurtrie des premières années de guerre passées à tenter de reprendre sans succès les crêtes du bassin minier au prix de centaines de milliers de vies sacrifiées, à partir de 1916 l’impérieuse nécessité de tenir Verdun provoque le désengagement de l’armée française au profit de ses alliés britanniques. L’enseignement académique de la Grande Guerre en fait de même.
Le Pas-de-Calais tient pourtant une place privilégiée dans l’organisation du conflit en accueillant zones d’entrainement, postes de commandements, espaces de stockage et de logistique. A partir de 1916, il n’est pas une ville, pas un gros bourg qui ne reçoive une installation militaire visant à assurer le ravitaillement des troupes exposées au feu de l’ennemi. L’arrière-front du Pas-de-Calais devient dès lors une gigantesque zone de préparation sous influence britannique.
Créée en 1915, la section photographique des armées françaises réalise la majorité de ses clichés sur le Pas-de-Calais avant 1916 lorsque la France passe le relais aux Alliés pour défendre le front. Elle s’attache alors à montrer les combattants dans leurs tranchées ou les bases arrière françaises disséminées sur le territoire à l’image du QG de la 10e armée à Saint-Pol-sur-Ternoise. En revanche, la force de la mission photographique est d’avoir su compiler au sein des albums Valois les photographies issues des missions alliées. C’est ainsi que les photographies britanniques, portugaises, australiennes, témoignages de la formidable organisation militaire alliée se trouvent accessibles à tous au sein de ces albums.
Grâce au formidable travail de numérisation de la BDIC, la vie presque quotidienne des habitants du Pas-de-Calais et de leurs hôtes venus du monde entier s’offre à celui qui veut approfondir sa connaissance du conflit et de la société aux prises avec l’indicible. Il est désormais possible de découvrir l’ampleur du développement logistique et ses conséquences sur la vie des hommes et des femmes de ces années de guerre. Aux photographies des soldats français de 1915, harassés et parfois désabusés, répondent à partir de 1916 les photographies des soldats britanniques arborant un sourire conforme à la volonté de propagande des alliés. On constate en feuilletant les albums Valois que la Royal Air Force est née à Saint-Omer, l’Imperial War Museum de Londres à Hesdin, que le Grand Quartier Général de l’Empire britannique se trouvait dans la petite ville de Montreuil ou que le plus grand hôpital jamais construit était à Etaples-sur-Mer. On s’étonne de la multitude des infrastructures qui couvrent le territoire. On découvre surtout les liens étroits qui se tissent entre soldats et habitants au cours de ces années, les spectacles donnés par les travailleurs chinois ou sud-africains aux habitants, les coutumes, traditions et compétences des Britanniques, Américains, Indiens, Portugais, Egyptiens, et tant d’autres pays… répartis sur l’ensemble du territoire de Pas-de-Calais. On prend conscience, grâce à ses albums Valois enfin numérisés, que le Pas-de-Calais et son arrière-front, en accueillant le monde, ont joué un rôle de premier plan dans la quête de paix et de liberté.
Benoît Blanc
attaché de conservation
commissaire de l'exposition Le monde à nos portes (Citadelle de Montreuil-sur-Mer)
Retrouvez les albums Valois du département du Pas-de-Calais