Les cahiers d'Antonio Blanca
Le 03/04/2015 à 17h03 par Anonyme
Résumé

Les deux cahiers d’Antonio Blanca (1911-1963), donnés à la BDIC par son fils, Antoine, en 2004, constituent un précieux témoignage sur les conditions de vie des 10 à 30 000 républicains espagnols qui, depuis les ports du Levant, ont fait le choix de rejoindre les départements français d’Algérie (Oran, Alger et Constantine) en mars 1939, face à l’avancée victorieuse des troupes franquistes. Nous vous proposons de les redécouvrir...

Fils aîné d’un directeur d’école normale d’instituteurs mort de la grippe espagnole en 1920, Antonio Blanca est élevé dans les idéaux républicains et francophiles. Faute d’argent, il ne peut aller à l’université de Valence et suit donc les cours de l’Escuela superior de comercio d’Alicante. Tout en préparant le concours d’entrée au ministère des Finances, il rédige des critiques de cinéma et de théâtre pour le journal El luchador et fréquente le cercle littéraire local où continuent de se côtoyer écrivains, journalistes et artistes, dans une ville fortement touchée par les bombardements. Le 12 mars 1939, Antonio Blanca embarque sur le Ronwyn, cargo britannique, à destination d’Oran, contraint de laisser derrière lui sa femme Carmen et leur fils Antonio, né au début de 1936.

 

 

Dans le premier cahier, Antonio Blanca tient son journal, du 2 avril 1939 au 27 décembre 1940. On peut ainsi retracer son itinéraire, d’Oran à Orléansville puis au camp Morand à Boghari, non loin du désert. Il connaît en effet les camps d’internement improvisés, comme la majorité de ses compatriotes exilés, qu’ils se trouvent au Maghreb ou plus souvent encore dans le sud de la France. Cependant, dès octobre 1940, par crainte de la police française et de la police espagnole, il recopie ses notes, les expurge des passages qu’il juge compromettants et remplace le nom des personnes citées par leurs initiales. C’est cette deuxième version que nous conservons aujourd’hui. Dans ce journal, il s’adresse à sa femme et à son fils dont ne parvient à avoir des nouvelles qu’irrégulièrement et à qui il écrit par ailleurs de nombreuses lettres. Il y exprime ses sentiments, parfois contradictoires, qui alternent entre découragement face à l’isolement, nostalgie du pays perdu, volonté de résister et méfiance vis-à-vis de tout nouvel engagement politique. Il relate aussi les conditions matérielles de la vie dans le camp placé sous la surveillance d’un bataillon de tirailleurs sénégalais et ses démarches pour gagner le Mexique ou le Chili. Le 27 décembre, le journal s’achève sur l’espoir d’un transfert à Saint-Domingue.

 

 

 

Outre l’écriture de son journal et de sa correspondance, il consacre une grande part de son temps à la lecture, en espagnol et en français, comme le montre le second cahier intitulé Notas de lectura, campos y hospitales. Il y regroupe exclusivement des notes de lecture et des citations qui illustrent la diversité de ses goûts littéraires : roman, philosophie, théâtre. Les écrivains français occupent une place prépondérante et sont cités en français : Roger Martin du Gard, Stendhal, Pascal, Renan, Valéry, Claudel, etc. En revanche, il lit et cite dans une traduction espagnole quelques écrivains étrangers autres que français : A. Huxley, O. Wilde, A. Strindberg. Du côté de la littérature espagnole, il mentionne Saavedra Fajardo, Baltasar Gracián, Cadalso ou Unamuno. Ecriture et lecture permettent ainsi à Antonio Blanca de supporter le quotidien de sa condition d’exilé. Il sera finalement contraint de rester à Boghari où sa famille le rejoindra et vivra en Algérie jusqu’à sa mort en 1963.

 

Céline LEBRE

 

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