A la fin de l’année 1914, le front occidental se stabilise de la frontière suisse à la mer du Nord. Les combattants s’enterrent et aménagent des tranchées. Ce nouveau temps de la guerre est marqué par l’attente et l’ennui. C’est dans ce contexte que paraissent les journaux de tranchées, cette presse réalisée au front par les soldats et pour eux. Le Poilu, journal des tranchées de Champagne est un des premiers titres à voir le jour du côté français. Rédigé par des soldats du 108eme régiment d’infanterie territoriale (une unité originaire de Savoie) sur le front de Champagne et autorisé par l’Etat-major, le journal voit le jour le 15 décembre 1914. Il sera régulièrement publié jusqu’à la dissolution du régiment, début 1918.

Reprenant les rubriques des quotidiens de l’arrière comme les chroniques, les feuilletons ou encore les petites annonces, Le Poilu, comme d’autres journaux de tranchées singe les codes de cette presse. Il recourt dans ses écrits et ses dessins à l’humour et à la dérision pour parler des conditions de vie au front, des relations avec l’arrière et de l’ennemi. La composition soignée du journal laisse à penser que la rédaction dispose d’un véritable matériel d’imprimerie et que Le Poilu est en mesure de tirer à plusieurs centaines d’exemplaires. Cette large diffusion constitue plutôt une exception au sein des journaux de tranchées français. Leurs tirages, du fait de la fabrication artisanale de la plupart d’entre eux, dépassent en effet rarement la centaine de copies. 

Benjamin Gilles